Get off my couch! Canapé 2.0 tendance solo
On savait la fameuse "génération vautrée" adepte du Fatboy et amatrice de largeurs XXL. En 2005, Gérard Laizé, directeur du VIA, évoquait l'évolution du design de mobilier sous l'impulsion des desiderata de cette indolente génération (par nécessité, nous expliquait-on : dépassant d'une tête leurs aînés, les jeunes vautrés éprouvaient quelque difficulté à adapter leur morphologie aux fauteuils et canapés conçus pour leurs parents et grands-parents). En 2010, la tendance se précise et s'affine : on découvre le "canapé 2.0", apanage du jeune vautré assumé.
On devrait plutôt préciser "ex-vautré", car le voilà plus âgé d'une demi-décennie, désormais actif donc plus nanti, et aux goûts entre-temps affirmés. Le sofa se plie désormais à ses caprices. Masse informe et silhouette ludique disparaissent au profit de lignes fermes et élégantes. Le confort demeure cependant un critère de choix absolu : le canapé se creuse d'une assise et joue les chaises longues d'un nouveau type, à l'instar de "Single Sofa" du designer Maarten Baptist paru chez Joine.
Car c'est dans l'usage, plus encore que dans la forme, que se niche la vraie nouveauté : le canapé n'est plus destiné à accueillir deux ou trois personnes sagement calées au creux de ses coussins. Il se fait individuel, tout en restant massif. Une évolution notable et acclamée : Maarten Baptist vient de voir son Single Sofa couronné d'un prestigieux Red Dot Award.
L'éditeur allemand Brühl confirme la tendance pressentie chez son concurrent néerlandais. Le canapé "App", dans sa première version, se paraît d'accotoirs et dossiers placés selon les envies, grâce à un espace délimité tout autour du meuble, dans lequel venait s'ancrer chaque module. Avec le "App 2.0" de Kati Meyer-Brühle (présenté à Milan), les contraintes sont encore amoindries : le revêtement permet de placer dossiers, séparations et tablettes absolument n'importe où. La designer allemande a même imaginé un autre canapé, "Lady bug", assez proche dans l'esprit de celui de Maarten Baptis. Accoudoir et assise se sont partiellement abaissés et son dossier creusé en rotonde, suivant les lignes naturelles du corps : la forme impose ainsi à l'utilisateur d'adopter la position la plus relaxante qui soit, faisant ouvertement fi des… convenances. Pieds sur l'accoudoirs, mais l'épaule fière telle Madame Récamier sur son emblématique méridienne, la génération avachie 2.0 peut donc s'alanguir en toute légitimité : la voilà fin cautionnée.